COMMENTAIRES DE L'ARTISTE

J'accepte avec enthousiasme l'idée de Luc Charette, directeur de la Galerie d'art, de présenter une rétrospective de mes oeuvres en reliefs. Cependant, je dois laisser de côté ma production de sculpture en rond de bosse, à cause du manque d'espace.

J'aimerais expliquer quelque peu mon intérêt pour le relief. Ma fascination principale remonte aux premiers contacts par reproduction que j'ai pu voir dans une encyclopédie et dans des livres d'art d'artistes grecs et de la renaissance italienne. Le relief, avec ses complexités techniques, la transposition des formes et de la perspective, fait le lien entre le pictural et le rond de bosse complet. Sur le plan pratique, j'ai pu constater qu'il y avait plus d'espace disponible sur les murs que sur le plancher.

C'est avec un peu de gêne que je viens partager avec le public mes premières découvertes et balbutiements créatifs, marqués par la naïveté de l'intérêt artistique et artisanal des années '40. Mais lorsque je regarde l'évolution d'une cinquantaine d'années de création, je ressens une certaine fierté de constater la présente vitalité de notre climat artistique, ce qui n'est pas le fruit d'une génération spontanée, parce que j'ai dû faire face à bien des attentes conservatrices. Ma progression a été lente et il a fallu l'alimenter en vivant au jour le jour dans mon milieu, ce qui a marqué et façonné mon oeuvre. Bien entendu, pour survivre et progresser dans mon oeuvre, j'ai dû avoir recours à toute l'éventail des possibilités d'expression, ce qui m'a gardé constamment en recherche au point de vue stylistique aussi bien que technique.

Certains me reprochent peut-être d'avoir été trop versatile et varié mais si on imagine le contraire, je me vois mal dans le seul intérêt artisanal de la sculpture sur bois pendant toute ma carrière. Lorsque je jette un regard sur l'évolution de mon oeuvre, je me considère un peu comme une girouette influencée par la direction des vents de la vie et des possibilités du métier. C'est pourquoi il me faudrait écrire un livre pour expliquer le sens poétique et idéologique de mon oeuvre. Cependant, j'aime garder la théorie à son minimum afin de laisser à chaque spectateur la tâche et le plaisir, je l'espère, de communiquer avec chaque oeuvre.

Lorsque je regarde la constance et l'étendue de ma production depuis l'âge de 10 ans, je constate que souvent le temps que j'ai mis à ma production se faisait après avoir donné priorité à mon travail d'éducation et mes responsabilités familiales. C'est avec un peu de nostalgie que je regarde ma production passée et, en toute justice, je me dois de souligner l'encouragement de plusieurs personnes qui m'ont permis de combler un peu ce manque de tradition visuelle dans notre société Acadienne. Pour n'en nommer que quelques-unes, il y a mes parents, le Dr Paul C. Laporte, les professeurs de l'École des Beaux-Arts de Montréal, Lord Beaverbrook, l'Université de Moncton (administrateurs, collègues professeurs et étudiants) et spécialement ma famille immédiate.

Je laisse donc à Patrick Laurette, de qui j'apprécie la grande attention, la tâche d'analyser la carrière et les oeuvres.

Claude Roussel