FRANCIS COUTELLIER : DÉMARCHE ARTISTIQUE
Les artistes pensent et travaillent de diverses façons. I1 existe au moins deux modes de pensée, de poursuivre des idées et de développer des thèmes. L'un approfondit une idée ou un concept, l'examine attentivement et par la suite le situe à l'intérieur d'un ordre de connaissances. L'autre mode — et je suis porté à m'y voir — effleure plusieurs idées, les utilise puis passe à d'autres idées, laissant derrière une traînée de nouvelles associations qui engendrent en elles-mêmes de nouvelles idées.
L'ensemble de mon travail, des grands formats photographiques et peints, sont à la fois comme des cartes de voyage, mémoire de lieux que j'ai habités ou connus — Acadie, Italie, France, Belgique —. Elles sont aussi un peu comme un carnet de bord d'un capitaine de bateau, référence au trajet, au climat, à ce que j'observe, et à ce que je retiens de ce que j'observe, recherche de l'élément inédit, secret qui habite et donne vie au paysage que retiendra la photo. Mais aussi commentaire par la peinture sur cette image, souvenir premier du lieu.
Le trajet se fait aussi bien à partir d'oeuvres d'artistes qui ont marqué ou marquent encore l'histoire de l'art, qu'à partir de personnes, aussi étranges soient-elles, qui croisent mon quotidien, univers séparés que l'oeuvre intègre l'un à l'autre par un jeu de références souvent humoristiques et toujours comme un clin d'oeil adressé au plaisir de la découverte.
Ainsi certains retrouveront dans mes oeuvres des références directes ou indirectes aux René Magritte, Alex Colville, Léonard de Vinci, Ansel Adams, Gerald Ferguson, Christo, Michael Snow, Robert Frank, mais aussi à ceux que j'ai côtoyés et qui m'interrogent pour différentes raisons, les Guy Melanson, Denise Daigle, l'inconnu aux maisons miniatures, mes amis disparus, l'Orange Bleue et Zéro Celsius. La référence n'est pas nécessairement donnée, elle est là, habitant et caractérisant l'image. Elle donne à l'oeuvre un sens dévié, l'ouvrant au regard de l'autre puisqu'il peut, lui aussi, apporter son sens à l'oeuvre par un jeu d'interaction entre le regardeur et l'oeuvre regardée.
En même temps, l'oeuvre se veut une nouvelle interrogation du réel, une transformation de la réalité "objective" mémorisée par la photographie, par l'intervention picturale qui nourrit l'image de mes propres inquiétudes, fantasmes ou rêves.
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