Réflexions sur les oeuvres
de Nancy Schofield Jeanette Winterson, l’une des auteures américaines les plus réputées écrit dans Art Objects: «le risque de l’art, la raison pour laquelle il nous atteint, n’est pas le risque de son sujet mais le risque de créer une nouvelle manière de voir, une nouvelle manière de penser». En ce sens les artistes nous redonnent le monde, ils en découpent des portions qu’ils ramènent dans notre champ de vision comme des échantillons d’un monde à venir, d’un monde à voir et revoir. L’artiste qui fabrique une œuvre d’art, s’inspire de plusieurs sources, plusieurs niveaux, émotionnel, conscient, inconscient, psychique et de tous les niveaux qui contribuent à parfaire une œuvre. L’art met en place des indices, des données de base, des parcours qui nous permettent de nous investir dans la matière pour lui arracher son secret. Même si les matériaux utilisés font allusion aux pierres, aux brindilles, à la terre, aux racines, à l’eau, au bois, au métal rouillé dans leur état naturel ou comme dessin, tous parlent ou sont rattachés à la vie. Le monde devient ainsi une ressource inépuisable que la plupart d’entre nous prenons pour acquis mais l’artiste le transforme en langage, le fait parler, lui donne une forme et nous le montre comme une découverte, ramenant l’enfant en nous, celui qui s’émerveille ou s’étonne des objets les plus banals. La poésie qui nous échappe avec le temps et que l’artiste, dans sa solitude, s’acharne à nous rendre. Les émotions, les rêves, les pensées, les désirs, l’histoire, l’environnement nous disent que la vie est très complexe et que rien n’est jamais résolu, jamais. Tel est le destin de l’artiste de redire ce que l’on croyait savoir et que nous redécouvrons par la lumière nouvelle qu’il ou qu’elle jette sur le monde, sur les objets banals de nos vies ou de l’univers qui nous entoure. L’art qui vous est présenté ici, parle de tout ça. Il parle de la destinée organisque du monde. Comment la rouille transforme le métal, la terre le bois et la pluie la pierre. Il fait usage de cette imagerie pour affirmer la pensée, il est enfoui dans la vie et révèle un jeu complexe de métaphores. C’est le rôle de l’artiste de ne pas dire les choses simplement mais de laisser flotter autour d’elles un mystère qui tient du regard. Bien sûr il y a les mots mais au-delà des mots il y a le regard. Qui vivra, verra dit le proverbe. La vue et la vie car nos yeux nous livrent sans cesse le monde. Parfois nous en faisons du sens. Le plus souvent nous laissons ces images, ces objets à distance. L’artiste s’y aventure pour en donner une version que seuls nos yeux peuvent comprendre. Du moment où les mots s’y aventurent ils déforment tout, ils réduisent l’œuvre d’art. Il y a des choses qu’il faut voir pour les croire. L’art se nourrit de cette foi, de cette ferveur, de nous redonner le monde, un monde nouveau, un monde neuf qui se cachait dans les textures, dans les plis, dans les veines du métal, du bois ou de la pierre. |
Nous sommes dans un monde poétique où rien n’est jamais résolu sinon les nuances qui émergent des textures pour produire une émotion, c’est à dire dans le travail, dissimulé dans un coin ou projeté à la figure. Le travail de l’art est une patiente besogne ou se rencontre l’esprit et la matière. Comment faire émerger de ces matériaux informes, une conscience qui nous redonne la grandeur de l’humanité? Semblable aux tourbillons et aux jaillissements de l’eau dévalant le lit en pente des rivières ou à la fumée saisie par les courants d’air ou à des vols d’oiseau plongeant vers des champs protégés, nous faisons partie de cette émotion. Aller à la rencontre du monde n’est pas de tout repos. Comme l’enfant apprenant à marcher nous allons vers des territoires inconnus portés par le rire, les larmes ou la colère. Parfois il nous arrive l’impression d’avoir été dépossédé du monde sécurisant dans lequel nous étions autrefois; nous demandons qu’on nous le rende mais déjà le nouveau monde s’insinue dans notre vie, effaçant l’ancien, nous plongeant dans d’autres états d’âme, d’autres révélations. L’émotion d’être transporté dans le monde de nos pensées, les ressentant comme si nous les avions vécues, nous aidant à voir au-delà de l’évidence. C’est ici où l’artiste intervient pour nous traduire ce langage, lui donnant une forme nouvelle et parfois transformant le langage lui-même au point où le monde nous apparaît comme une énigme dont la clef nous échappe sans cesse. L’art, de par sa complexité, nous révèle qui nous sommes, la manière dont nous lui faisons face comme des individus perdus essayant constamment de dépasser notre inhabilité à comprendre. C’est cette compréhension que l’artiste nous promet et dont il a du mal à évaluer lui-même le vaste mystère. Il arrive parfois que l’art révèle, pour ceux qui demandent la connaissance, non seulement le plaisir de voir mais un lien à l’existence elle-même. Ce lien sans quoi la vie en serait que la vie. |
- Des textures pour la nature, par Sylvie Mousseau, L'Acadie NOUVELLE, 10/05/2000 p. 22 |
Reproductions des oeuvres. Installation à la GAUM.
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