Mathieu Léger : Installation/performance intitulée Racine/Primaire/Amer (2003 / 2005)

 

Racine/Primaire/Amer - Une installation/performance de Mathieu Léger qui a été présentée à la Place de l'Assomption, Moncton (1). Cette disposition de trois habitations transparentes de couleurs différentes devient le cadre où l'artiste a effectué des performances réparties sur trois jours consécutifs. Les personnes qui ont fréquenté ce lieu ont été invitées à porter un regard nouveau sur cette place urbaine. Ceux et celles qui se sont prêté au jeu de la performance, orchestrée par l'artiste, ont eu l'occasion de ressentir les émotions transmises par les couleurs vives et transparentes de ces enclaves. Au fils des jours qui s'écoulèrent, chacune des ‘habitations' garda la marque du passage des participants et l'intégra en son sein comme une touche de réel dans ce monde surréel.

Il faut être toujours ivre. Tout est là : c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve. Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous . (2) — Baudelaire

L'esthétique relationnelle

« Esthétique relationnelle » : terme initié par Nicolas Bourriaud, critique d'art contemporain du Palais de Tokyo, site de création contemporaine, Paris (1998). (3)

D'où vient cette obsession de l'interactif qui traverse notre époque ? Après la société de consommation, après l'ère de la communication, l'art contribue-t-il aujourd'hui à l'émergence d'une société relationnelle ?

Pour comprendre l'évolution de l'art actuel - Nicolas Bourriaud tente de renouveler notre approche de l'art contemporain en se tenant au plus près du travail des artistes, novateurs en activité, et en exposant les principes qui structurent leur pensée : une esthétique de l'interhumain, de la rencontre, de la proximité, de la résistance au formatage social.

Formes d'expression artistique très récentes qui modifient fondamentalement le rapport de l'artiste avec la réalité et le public. Le plus souvent ces nouvelles formes relèvent d'une nouvelle catégorie de l'histoire de l'art contemporain : l'art contextuel , tel que le critique d'art contemporain Paul Ardenne l'a défini. Dissident de l'art traditionnel, c'est " un art engagé de caractère activiste (happenings en espace public, "manoeuvres"), art investissant l'espace urbain ou le paysage (performances de rue, art paysager en situation...), esthétiques dites participatives ou actives dans le champ de l'économie, des médias ou du spectacle ".

La culture remise en cause
Tout d'abord, il s'agit d'établir un nouveau rapport à la culture. Depuis Marcel Duchamp et le ready-made, l'art n'a pas cessé de remettre en cause le principe de création/production de l'œuvre. Duchamp a établi une équivalence entre fabriquer et choisir, consommer et produire qui continue à être valable actuellement. Ayant abandonné l'idée de progrès des arts, de création révolutionnaire voire de nouveau tout court, la culture est peu à peu apparue comme un champ de représentation global, une " gigantesque anamnèse " : rétablissement de la mémoire composée de signes, messages et objets médiatisés par la consommation de masse.

Les artistes utilisent de plus en plus leur propre rapport avec cette réalité, ce contexte comme point d'ancrage de leur activité. Si l'on parle donc de plus en plus d' activité artistique (prenant en compte le contexte dans lequel elle est réalisée) plutôt que de création (et donc d'exposition) c'est bien parce que l'on récuse ce dernier terme. Les artistes sont plutôt des agents actifs, et leurs oeuvres s'accordent à la culture de l'usage dans laquelle nous vivons, la culture de l'activité. Il y a donc une volonté d'" inscrire l'oeuvre d'art au milieu d'un réseau de signes et de significations, au lieu de la considérer comme une forme autonome originale ". (suite…)

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1- Projets organisé par le Centre d'artistes Galerie Sans Nom (Moncton) dans le cadre de la FrancoFête en Acadie. Installation présentée du 2 au 6 novembre 2003. Performances les 4, 5 et 6 novembre 2003.

2- Baudelaire, Charles. « Enivrez-vous », Le Spleen de Paris , XXXIII, in Œuvres complètes, Bibliothèque de la Pléiade, Éditions Gallimard, 1975, p. 337.

3- Source : site Internet des Presses du Réel : http://www.lespressesdureel.com/index1.htm