Par DAVID LONERGAN, collaboration spéciale
[ Référence : L'Acadie nouvelle, 15 avril 1997, p. 21 ] - [ RETOUR ]
D'abord dire qu'il y a beaucoup d'oeuvres. Curieusement, ce grand nombre a un effet sur l'éclairage : à vouloir bien éclairer chaque oeuvre, on finit par illuminer l'ensemble des salles ce qui donne une clarté surprenante dans ce lieu où les jeux de lumière tendent habituellement à isoler les pièces les unes des autres. C'est peut-être cette lumière plutôt vive qui donne à l'ensemble de l'exposition une impression de joie de vivre et de vitalité. Cette lumière rapproche les oeuvres les unes de autres ce qui accentue le caractère collectif de l'événement : on passe d'un objet à l'autre sans changer d'atmosphère. Cet arrangement donne de la force aux oeuvres plus faibles comme si elles profitaient de la proximité des meilleures.
Dans la grande salle, les quatre sculptures de Gerry Collins s'imposent tant par leur facture que par leur sens. Unissant adroitement de grandes structures métalliques et de superbes (il n'y a pas d'autre mot) miniatures en céramique, elles se veulent une réflexion sur le sens de la vie. Personnages clownesques ou grotesques, personnages en mouvement, personnages symboles, les oeuvres de cette sculpteure bougent et retiennent le regard.
Sculpteur et photographe, André Boudreau joue avec l'équilibre et l'expérimentation, souvent en y insérant un commentaire critique humoristique parfois ironique sur notre société. Ses sculptures sont à la fois inventives et brouillonnes, comme s'il préférait l'idée à la finition. Sa « Soupe », une boîte qui protège un bol de soupe (en résine) gagnerait à être peaufinée alors que ses photos qui unissent structure architecturale et univers de l'automobile, sont aussi originales que bien finies. On sent dans ses oeuvres la lutte que se livrent fond et forme.
Également sculpteure et photographe, Francine Dion tente d'intégrer réalité et imaginaire. Vous savez peut-être que celle qui signe aussi la plupart des photos de mes chroniques est ma compagne de longue date. Son oeuvre me rejoint pour toutes sortes de raisons : esthétique, thématique et, bien sûr, affective. Elle joue avec des éléments naturels - sables, roches, coquillages -, y ajoute des éléments construits ou fantaisistes, tentant d'exprimer la monde à sa façon. Parmi ses oeuvres, un très beau portrait en 13 photos de Roméo Savoie et un barlicoco de sable et de roches.
Peintre et sculpteur, Hafedh Fadhloun explore un imaginaire dans lequel on retrouve (surtout dans ses toiles) des textures de son Moyen-Orient natal (il est Tunisien) par l'utilisation des lettres arabes, par certains motifs et même par les thèmes.
On sent en regardant les oeuvres de Gerry Collins, de Francine Dion et d'Hafedh Fadhloun, une maturité qui trahit aussi leur âge : les trois sont retournés aux études pour parfaire leurs connaissances en arts visuels. C'est peut-être cette maturité qui explique l'écart qu'il y a entre ces trois artistes et leurs confrères et consoeurs de promotion, si l'on excepte André Boudreau qui a manifestement un rare talent.
La peintre et graveure Jennifer Bélanger joue toujours avec le même genre de personnage, à la frontière de la bande dessinée ; elle est tantôt grinçante, ironique voire violente dans ses oeuvres qui sont de véritables commentaires sociaux d'une grande pertinence. Karine Ouellet fait preuve dans ses céramiques d'une indéniable dextérité mais son propos est fragile, et Mélita Richardson a le même problème mais en photographie. Quant à Julien Jaillet, on retrouve dans ses photos et ses peintures ses angoisses personnelles, ce qui est intéressant en soi, mais ce sont les angoisses et non pas l'artiste qui dominent les oeuvres, comme si les oeuvres n'arrivaient ni à s'imposer par elles-mêmes, ni à se distancier de leur créateur. Enfin, je ne sais trop quoi dire des oeuvres de Pablo Soucy, si ce n'est que ni la forme, ni le contenu ne m'ont convaincu (le mot farniente me flotte dans la tête).
Il n'en reste pas moins qu'il se dégage de cette exposition une force et une diversité de formes et de contenus que vous avez la possibilité de découvrir à votre tour d'ici le 24 avril.
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