Yvon Gallant
«D'après une histoire vraie»

Une exposition préparée par Terry Graff, conservateur à la Galerie du Centre des arts de la Confédération, Charlottetown, I-P-É. Elle a été organisée grâce à l'appui du Conseil des arts du Canada, en collaboration avec le Service de la programmation française du Centre des arts de la Confédération. -Illustration : « Moose mort à Moncton » Tous droits réservés © Yvon Gallant 1991 Huile sur lin (livre d'artiste) 30 x 50 cm Collection : E. Landry et F. Coutellier

-Cette importante exposition comprend plus d'une centaine d'oeuvres (peintures, gouaches, épreuves et travaux d’édition) de l'artiste du Nouveau-Brunswick, Yvon Gallant, un précurseur de la récente et dynamique renaissance des arts visuels de Moncton. Bien que les oeuvres aient été choisies parmi une impressionnante collection créée depuis les vingt dernières années, le conservateur ne visait pas à présenter une rétrospective, mais plutôt à illustrer la vision iconographique à la fois enjouée et émouvante de l'artiste. Si l'on conçoit l'art comme étant une façon de donner aux gens des images qui leur permettent de connaître leurs propres expériences et d’extraire le récit des événements qui se produisent dans leur propre environnement culturel, alors on peut dire que ces oeuvres plaisantes sont dans le coeur et dans l’âme même de l'Acadie contemporaine.

• Ces oeuvres sont le fruit des diverses préoccupations et des thèmes que l'on retrouve dans l'art d'Yvon Gallant - - la nourriture, la mort, la mémoire, l’identité, le portrait, les scènes de la vie de tous les jours, les arts et les artistes, l'histoire de l'Acadie et les traditions vernaculaires; et sous les dehors faussement naïfs de ces oeuvres se cache une conciliation sophistiquée des relations entre une conscience imaginative et le monde extérieur. Yvon Gallant est un raconteur d'histoires; il peint les gens et les activités de sa communauté biculturelle - un policier devant le Musée de Moncton, un professeur de philosophie lisant du Descartes, un orignal abattu alors qu'il se promenait dans la ville, le Pape en visite à Moncton, la mère de l'artiste, maintenant décédée, se faisant une injection d'insuline. Ces scènes tragi-comiques de la vie quotidienne, qui se caractérisent par leurs zones de couleurs vives, leurs contours noirs originaux, leur humour, leurs perspective faussée et leur simplicité, dramatisent les tensions entre les acteurs, leurs cadres, leur identité et la place qu'ils occupent.

• L'humour froid d'Yvon Gallant décentre et recentre la mythologie historiographique et romantique des Acadiens, créant un dialogue réflexif qui renverse l’idée d'une identité stable et stabilisante. En rétablissant le fil des événements de sa vie quotidienne -- l'incertitude et le manque de confort du présent -- l'artiste affronte et réinvente son identité personnelle et culturelle. Le fait d'incorporer des souvenirs autobiographiques et personnels lui permet d'affirmer la validité et la compréhension inhérente de sa propre existence.

• Moose mort à Moncton , la pièce maîtresse de cette exposition fait allusion à Saint Sébastien, martyr du IIIe siècle dont le corps a été criblé de flèches parce qu'il avait réconforté les prisonniers chrétiens et converti des soldats romains au christianisme. Yvon Gallant relie cet archétype de persécution et de croyance - un sujet populaire chez les peintres tout au long de l'histoire de l'art occidental - à la contrainte et aux souffrances que les Acadiens ont endurées après avoir été déportés par les Anglais en 1755. En incluant dans ses oeuvres des sites bien connus de la ville de Moncton comme la tour de la NBTel et la cathédrale Notre-Dame de l'Assomption, Yvon Gallant met l'histoire agitée de l'Acadie des années 1990 dans le contexte de sa réalité sociale et culturelle contradictoire. En faisant allusion à la survie de l’identité acadienne qui est menacée et qui doit lutter contre les forces de l'assimilation dans un univers de communications de grande diffusion, l'art d'Yvon Gallant présente l'Acadie aux Acadiens, et donne l'occasion de penser et de penser encore, de sentir et de sentir encore, ce que cela veut dire que d’être Acadien.

(Page mise à jour le 10 octobre 1995 par L. A. Charette)