Galerie d'art de l'Université de Moncton (suite)...
-Document interprétant la pratique de l'artiste Léo B. LeBlanc :
[Par Luc A. Charette, directeur-conservateur à la Galerie d'art de l'Université de Moncton. Texte préallablement publié dans la revue "Ven'd'est", #29, jan./fév. 1989, p. 16]
"Léo B. LeBlanc : la peinture du genre historique"
- Né à Moncton en 1914, Léo LeBlanc y est décédé en 1986. Il a été bûcheron, fermier et opérateur de moulin à scie. Installé dans le comté de Kent, il commença à peindre par pur plaisir en 1965, après avoir observé un artiste qui réalisait une peinture à la télévision.
- D’instinct et de mémoire, il réalisa des scènes représentant des chantiers de bûcherons, des promenades en traîneaux, des cabanes à sucre, des pâturages parsemés de bétail, etc. Il peignait suivant une philosophie particulière : « Chaque chose à sa place... La nature, s’est la vérité... Les choses impliquent les humains ». « On peint, disait-il, quelque chose qui, pour la jeune génération, vaudra un jour la peine d’être regardé ».
- Il a transposé sur toile, selon sa souvenance, les choses qu’il avait vues. De manière générale le temps, l’espace et l’action sont des notions fictives dans ses peintures. Ses oeuvres, il les bâtissait comme un charpentier entreprend la construction d’une maison : il délimitait l’espace en plaçant cette ligne d’horizon qui sépare le ciel de la terre (fondation); puis venaient s’ajouter les bâtiments, les arbres et les variétés de la nature (élévation de la structure); apparaissaient ensuite les personnages et les animaux, qui avaient comme tâche d’animer l‘ensemble (finition). À noter que pour Léo LeBlanc, une toile n’était jamais terminée avant d‘être signée! Dans les meilleures oeuvres de sa période initiale, la coloration respecte habituellement les croyances populaires qui prétendent que la fumée et la neige sont blanches; le ciel et la mer, bleus; les forêts et les pâturages, verts.
- On retrouve dans la plupart de ses tableaux panoramiques une manière de faire qui est caractérisée par un vaste champ de vision. Typiquement, ses scènes de villages ont été réalisées d’après une vue à vol d’oiseau. À elle seule cette vue « en plongée » a l’avantage de procurer à notre esprit une sensation supraterrestre. Elle amplifie, en quelque sorte, l’impression que nous avons d’être au loin, comme si nous regardions le monde à travers un hublot. Il est à noter que l’effet d’éloignement provoque des impressions et des sensations différentes d’un individu à un autre. Cette particularité relève surtout du fait que nous appartenons à des générations distinctes. Par la force des choses, un vieillard qui à vécu dans un village d’antan ne perçoit pas une peinture de Léo LeBlanc de la même façon qu’une fillette de douze ans qui habite en ville... C’est la raison pour laquelle dans l’appréciation d’une oeuvre d’art, comme dans la plupart des autres processus raisonnés, une interprétation est souvent plausible, mais non ultime.
- Il n’en demeure pas moins qu’il est extrêmement difficile de juger une oeuvre du genre naïf en utilisant uniquement des valeurs esthétiques. En fait, lorsque nous examinons les peintures de Léo LeBlanc, ce sont des interrogations et des éléments de comparaison qui hantent notre esprit. Qui sont les personnages? qu’est-ce qu’ils font? d’où viennent-ils? où vont-ils? À cet égard, nous considérons l’oeuvre comme un document qui rapporte avec certitude un événement ou une activité quelconque. Malheureusement, tous les éléments de spontanéité et de fraîcheur qui caractérisent ce genre d’oeuvre sont souvent oubliés. Face à une peinture de style naïf, notre conception du « mérite » semble être conditionnée par un jugement de valeur qui est à son tour réglementé par une seule et unique convention : la conformité de l’image avec la réalité, avec la façon dont nous percevons le monde dans sa forme objective.
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Page mise à jour le 15 mars 1995.