Référence : Le Bulletin de l'AAAUM http://www.capacadie.com/lebulletin/detail.cfm?id=73018 (en date du 5 mai 2004)

L’Ordre du Mérite des diplômés et diplômées de l’Université de Moncton pour Herménégilde Chiasson
- 22 août 2003

Lorsque Herménégilde a appris la nouvelle, il a bien sûr été très touché. Et puis, il s’est empressé de dire qu’il a toujours eu l’impression de n’avoir rien fait, qu’il s’est toujours vu comme un contestataire et que rejoindre une sorte d’élite, cela lui donnait un coup de vieux! Finalement, à chaque décoration qu’il reçoit, il a peur de perdre ce rôle de contestataire qu’il a toujours projeté en tant qu’artiste. Si tel est le cas, qu’il se rassure…il ne perdra jamais pour nous son éternel air d’adolescent!

« Je crois qu’au départ, je ne voyais pas comment on pouvait vivre de cette activité-là et je n’avais pas de modèle sous les yeux... »

Mais qui est vraiment Herménégilde Chiasson? Cet artiste multidisciplinaire qui a choisi de rester vivre en Acadie pour s’exprimer par l’écriture, la peinture, le cinéma. Le connaissons-nous vraiment ou bien avons-nous et aurons-nous toujours seulement l’impression de le connaître?Né en 1946 à Saint-Simon au Nouveau-Brunswick, sous le signe du Bélier – un signe de feu! – Herménégilde a poursuivi des études universitaires longues et brillantes : Baccalauréat ès arts de l’Université de Moncton (1967), Baccalauréat en Beaux Arts de l’Université Mount Allison à Sackville (1972), Maîtrise en esthétique à la Sorbonne à Paris (1976), Diplôme de l’École Nationale des Arts décoratifs de Paris (1977), Maîtrise en Beaux Arts de la State University of New York (1981) et Doctorat de 3e cycle à la Sorbonne (1983).

Au fil des années, il a été professeur de collège, journaliste puis réalisateur à Radio-Canada, directeur de la Galerie d’Art de l’Université de Moncton et depuis une dizaine d’années il est chargé de cours à cette même Université où il transmet à la fois son savoir en théorie et histoire du cinéma et en histoire de l’art.

La liste de ses publications est impressionnante, difficile par conséquent de faire une sélection!

Il a donc, entre autres, publié des articles dans une vingtaine de revues dont Eloizes, Revue de l’Université de Moncton, Si Que, Égalité, Vie des Arts, Europe; on ne compte plus ses participations à des colloques, forums, festivals, salons du livre, ou encore à des spectacles-hommages, comme à l’occasion du 375e anniversaire de fondation de l’Acadie.

Il est, en outre, l’auteur d’une vingtaine de pièces de théâtre : Cap enragé, Laurie ou la vie de galerie et sa dernière, Le Christ est apparu au gun club, sera présentée cet automne à Moncton par le Théâtre de l’Escaouette. Ajoutons à cette production déjà imposante, la participation à une douzaine d’œuvres collectives, la scénographie d’une douzaine de pièces de théâtre, la recherche, les scénarios et la réalisation de seize films pour Radio-Canada et l’Office National du Film, huit feuilletons radiophoniques. Tout ceci ne l’a pas empêché de faire près d’une trentaine d’expositions de peinture en solo et une quarantaine de groupes!

L’an dernier Herménégilde a été artiste en résidence à l’Université d’Ottawa; membre de l’Académie mondiale de poésie, il a reçu de nombreuses récompenses dont le Prix littéraire France-Acadie, le Prix du Gouverneur général, le Prix Pascal Poirier pour l’excellence en arts littéraires au Nouveau-Brunswick; de nombreuses distinctions, à commencer par un Doctorat honoris causa en littérature de l’Université de Moncton, l’Ordre des Francophones d’Amérique et la médaille de Chevalier des Arts et Lettres (France).

Un beau parcours pour celui qui déclare : « Enfant j’avais toujours cette double vie qui consiste à être à la fois très social et très introspectif au sens où j’avais besoin d’organiser des entreprises d’ordre social ou artistique, mais par ailleurs j’avais besoin d’être seul. »

Herménégilde se souvient que son désir de création sous diverses formes est venu progressivement ; « D’abord, il y a eu les arts visuels et je crois que c’est quelque chose qui remonte à l’école primaire. J’aimais dessiner, comme tous les enfants, je suppose, mais en plus j’étais obsédé par les lois qui régissent certains aspects de la composition, de la technique et de la forme. Je crois qu’au départ, je ne voyais pas comment on pouvait vivre de cette activité-là et je n’avais pas de modèle sous les yeux, alors j’ai décidé d’entreprendre des études de médecine, ce qui a été un désastre, et je me suis dit que j’irais en littérature puisqu’il est possible d’enseigner. Parallèlement à ceci, j’ai rencontré Claude Roussel qui m’a ouvert le monde des arts visuels. Ensuite, ma double spécialisation si je puis dire, m’a permis de travailler à la radio, à la télévision et c’est à la télévision que j’ai pu m’orienter vers le film. »

Au départ, Herménégilde n’avait pas de modèle. « C’est venu plus tard, indique-t-il. En règle générale, j’ai toujours été un solitaire et les influences ont probablement été des œuvres plus que des personnes. » Des rencontres ont été pourtant déterminantes dans sa vie : celle de Claude Roussel qui a précédé celles de Colin Campbell à Mount Allison, de Bernard Teyssèdre à Paris et de Nathan Lyons aux Etats-Unis.

Une chose est frappante chez lui : il n’est jamais à court d’idées! Il prend constamment des notes à propos de sujets ou d’idées et peut passer avec une égale aisance de la peinture à l’écriture, deux formes d’art solitaire, au théâtre et au cinéma, deux formes d’art collectif.

Et si Hermé déclare qu’il a toujours privilégié la notion de l’art à celle de l’artiste, qu’il nous permette de privilégier ici celle de l’artiste et de lui dire combien nous sommes fiers de lui. Nous espérons aussi qu’il restera longtemps fidèle à l’une des définitions qu’il donne de l’artiste, c’est-à-dire, « quelqu’un qui a le courage de ses émotions », pour le plus grand bonheur de ses lecteurs, des amateurs de cinéma, de théâtre et de peinture!