Référence : L'Acadie NOUVELLE, L'Accent acadien, Tintamarre, semaine du 12 au 18 avril 2002
Les finissants de la trentième année
David Lonergan - 12 avril 2002

Chaque mois d’avril se colore de l’exposition des finissants du Département d’arts visuels de l’Université de Moncton présentée à la Galerie d’art de l’Université de Moncton (GAUM). Cette année revêt un caractère particulier: le Département fête les 30 ans de son baccalauréat.

Le tout avait commencé en 1963. Grâce à une bourse d’un an offerte par le Conseil des arts du Canada, Claude Roussel devenait artiste résident à l’université. Il donne alors des cours d’atelier et d’histoire de l’art et met sur pied la Galerie d’art. Sa bourse reconduite, Roussel s’implique encore davantage puis devient professeur régulier et directeur du Département d’arts visuels qui offre à partir de 1966 une mineure.

En 1967, Roussel et le professeur d’histoire de l’art Ghislain Clermont organisent l’exposition Sélection 67 que plusieurs considèrent comme le point tournant dans la production artistique acadienne. Dans le catalogue de l’exposition, Roussel écrit: «Il fallait donc grouper nos artistes pour évaluer la situation des arts visuels chez nous et pour juger si, après trois siècles d’histoire, on pouvait enfin parler d’un art acadien.» Les neuf artistes de cette exposition l’affirmaient haut et fort: en plus d’Eulalie Boudreau, Gertrude Godbout, Hilda Lavoie, Georges Goguen, Edward Léger, Claude Picard, Claude Roussel et Roméo Savoie, on y découvre le finissant de cette même année du bac en lettres avec mineure en arts visuels, Herménégilde Chiasson. À partir de 1972, le Département d’arts visuels offre le baccalauréat. En 1971, Francis Coutellier devient le directeur du Département et le demeure jusqu’en 1976 alors que Roussel en reprend la direction jusqu’en 1979. Et, aujourd’hui, Francis Coutellier en est à nouveau le directeur.

Quand est-il des douze finissants de cette année? Leurs œuvres sont diversifiées dans leurs approches et touchent les cinq techniques offertes: peinture, sculpture, photographie, gravure et céramique.

Bien installées dans les trois salles de la galerie, le corridor d’accès et débordant même dans l’entrée, les œuvres sont diverses dans leurs formes, leurs thèmes et leurs couleurs. Le regard est happé par tous ces chatoiements et, au début n’arrive pas à se fixer. Ainsi en est-il de ces expositions collectives où les démarches sont tellement différentes que l’on n’arrive pas à bien se situer dans l’espace. Puis, lentement, une œuvre vient chercher le regard qui s’y pose. Dans mon cas, ce fut Le silence des vagues de Marie-Hélène Nardini: un doris en modèle réduit posé sur un montage photographique de textures marines. Cette installation m’a rappelé le travail de Julie Forgues, une finissante d’il y a quelques années devenue la professeure de photographie de Nardini: sans doute faut-il voir là un partage des préoccupations et des recherches formelles. Un peu plus loin dans la même salle, Formes osseuses I d’Éric Lafontaine, un tronc sculpté, je devrais dire dégrossi, qui laisse apparaître deux tiges, évocation d’os. La pièce est élancée et je songe au

 

professeur de sculpture de Lafontaine, André Lapointe qui a longtemps travaillé les troncs d’arbres à la scie à chaîne. Dans ces deux cas et dans plusieurs autres, l’on sent l’influence des professeurs et la façon dont ils partagent leur passion avec les étudiants, les orientant, les incitant à expérimenter puis, leur laissant explorer techniques et approches selon leurs propres désirs. Après tout, pour innover, il faut d’abord connaître.

C’est cette recherche diversifiée qui m’a rejoint le plus dans toute cette exposition alors que j’explorais lentement les salles, me laissant entraîner d’une œuvre à l’autre sans chercher à les découvrir dans l’ordre de leur installation. Un peu au hasard, un peu en réaction au désir de mes yeux: des tableaux de Paul Hardy qui cite aussi bien Warhol que Delacroix aux abstractions marquées par Borduas d’Alexandre Robichaud, de la douceur des sculptures de Freeda LeBlanc habitée par des cordes à la puissance de celles de Lise Rocher qui rend hommage à Matisse, à Dali et à Munch (œuvre qui est à l’arrière-plan de la photographie qui illustre ce texte).

Et chacun de ces jeunes artistes réussit à me toucher par au moins une de ses créations: la beauté des textures de cet ovale en forme de bombe de la toile sans titre de Catherine Fortin; l’imaginaire de la suite de Tracy Lynn Lavoie, Les contes de fée et les cauchemars finissent toujours pareil, qui réunit gravures et transferts de photocopies; le jeu photographique de Rêve troublé de Craig Ouellette; la recherche sans concession d’Elaine Levesque dans Construction # 2, une sculpture qui amalgame des planches de différentes dimensions pour créer une espèce de non-sculpture qui interroge le regardeur. Et enfin, la dimension ludique de Study on human behavior # 1, l’installation de Vicky LeBlanc qui occupe toute la petite salle.

Pour une première fois, l’exposition des finissants déborde de la GAUM pour aller habiter la Galerie Sans Sous (GSS) du Centre culturel Aberdeen avec l’installation cinétique de Jean-Denis Boudreau qui a manifestement le sens de l’humour: un robot poupée installé sur une balançoire au centre de l’espace, une grande toile inspirée de la bande dessinée sur le mur de gauche et un ensemble composite sur celui de droite.

Le renouvellement des arts visuels en Acadie passe par le Département des arts visuels et, une fois de plus, on ne peut que le constater avec cette exposition du trentième anniversaire. À voir jusqu’au 28 avril à la GAUM et au 10 mai à la GSS.

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