Flash-back [Extrait de L’Acadie NOUVELLE, semaine du 12 juillet au 18 juillet 1997, l’Accent acadien, page 3.] André Lapointe : le sculpteur de granite
S' inspirant d'images marines, le sculpteur André Lapointe taille la pierre pour y créer des formes inattendues et un peu surréalistes. Il aime entre autres la force du granite, une pierre qui selon lui a du caractère.L'Accent acadien a rencontré André Lapointe et son équipe dans une usine qui date de la fin des années 1800 située au bout du chemin Alléluia à Shédiac. Un endroit presque perdu au fond des bois idéal pour la taille du granite, un travail très bruyant et qui dégage beaucoup de poussière. ...L'oeuvre commandée par la Fédération des caisses populaires acadiennes sera installée en permanence à son siège social à Caraquet. ...La première de la série, appelée Hippocardia (Cheval cœur) a été dévoilée publiquement lors de l'événement Caraquet en couleurs 97. Travailler le granite demande de l'endurance et certainement une force de caractère puisque cette pierre est d'une grande dureté. "Pour obtenir des surfaces polies à long terme à l'extérieur, il faut choisir le granite parce qu'aujourd'hui avec les pluies acides et les excréments d'oiseau, le calcaire et le marbre vont se dépolir, tandis que le granite est très compact. Les parties qui sont polies vont rester polies. On peut aller dans un cimetière, et regarder les pierres tombales en granite et celles en marbre. Celles en marbre, on peut voir que toutes les lettres sont rongées, usées et souvent les pierres sont craquées et elles sont dépolies. Les pierres de granite n'ont rien", explique André Lapointe. ..."Le granite est une pierre que j'aime parce qu'elle est franche. C'est un peu comme si on parlait d'un morceau de pin et d'un morceau de teck. On n'a pas besoin de marcher sur un plancher de bois franc pour savoir que c'est du bois franc, sa vibration et les molécules qui sont en dedans sont fortes." Un des quatre modules de la sculpture a été fait complètement en usine. Les trois autres sont faits en atelier. Actuellement les sculpteurs travaillent à la création d'une conque, un coquillage qui fait partie du patrimoine des Acadiens. Ils s'en servaient pour communiquer des signaux de détresse. André Lapointe raconte que les curés l'utilisaient pour appeler les fidèles. "En fait, c'est l'interprétation d'une conque. Je ne reproduis pas fidèlement les éléments de la nature, je m'en sers comme prétexte pour un langage. J'ai choisi d'intégrer cette forme-là dans l'installation parce que c'est un instrument pour les Acadiens assez important. Ç'a été un instrument de rassemblement. Les marins s'en servaient comme corne de brume." Il prévoit terminer la sculpture à la fin du mois de juillet. Originaire de la Gaspésie, André Lapointe a appris le métier traditionnel de sculpteur à Saint-Jean-Port-Joli au Québec. II s'exprimait par des personnages, des formes très à la mode à l'époque. "À un moment donné, je suis arrivé à un cul-de-sac. À ce moment-là, j'ai décidé de retourner aux études puis je suis allé passer six ans à Montréal et j'ai fait un bac et une maîtrise en sculpture. Par la suite, je suis venu ici à Moncton." II est professeur au département des Arts visuels à l'Université de Moncton. Depuis 1982, il a adopté les imageries marines. Bien qu'il ait délaissé le bois, la taille directe lui est restée comme technique. "En allant à l'université j'ai découvert d'autres médiums, mais je suis resté à la taille directe puis j'ai découvert la pierre. Ce qui m'a fasciné premièrement, c'est l'origine de ce matériau. J'avais commencé à travailler avec des pierres calcaires et puis ça m'a ramené vraiment à l'imagerie de mon enfance, au bord de la mer. On passait nos journées, enfant, à faire des installations sur le bord de la plage, à sauter sur les glaces, à ramasser des coquillages. Ç'a été vraiment tout un univers qui s'est rouvert à moi et puis j'ai décidé de travailler à partir des formes marines, là je me reconnais, c'est comme quelque chose qui m'appartenait", confie-t-il. André Lapointe a beaucoup de pierres chez lui non pas en vue de les collectionner ou parce qu'elles sont belles. Ce sont surtout des morceaux de pierre qu'il a ramassés pour sculpter. "J'aurais plus tendance à avoir une collection de coquillages si j'avais une collection de quelque chose." II travaille toujours à partir de maquettes. De par sa grande dureté, le granite se taille avec une scie à diamant. Le sculpteur laisse très peu de place à l'improvisation. "Il y a une certaine place pour l'improvisation sauf qu'étant donné le coût et la dureté du matériau, je ne m'amuse pas à improviser. Par exemple, juste de décider de changer un angle de deux pouces sur une pièce comme celle-là ça peut me coûter 500 $. Il pèse à peu près 10 tonnes. Celui de Caraquet il est d'environ sept à huit tonnes." "Je ne veux pas mettre l'accent sur l'exploit technique, je pense que c'est secondaire, c'est le concept qui est important mais quand même dans une pièce comme celle-la, la technique c'est assez important." Lorsqu'il a conçu son projet de sculpture pour la Fédération des caisses populaires acadiennes, la première démarche qu'il a fait à été de consulter l'architecte. "Moi je voulais considérer le terrain, l'endroit, le lieu. C'est très important le rapport avec l'architecte. Ensuite, il y a eu toute la thématique. Le paysage fait aussi partie intégrante de la sculpture. Je me suis débattu un peu pour faire accepter l'endroit où elle va être placée parce qu'il va y avoir en fond de scène la baie de Caraquet. On va remonter le terrain un peu pour ne pas voir les voitures dans le stationnement. " Et finalement les sens. André Lapointe aime bien concevoir des oeuvres d'art qui font appel à tous les sens. La conque est associée au son, la table au toucher. Le sens de l'odorat se retrouve dans l'atmosphère générale du paysage et dans l'environnement de la baie de Caraquet. _________________
[ suite... ] |