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Georges Henri Goguen

Rétrospective (1960 - 1998)

 

 

 

David Lonergan

Rédacteur invité

 

 

 

 

 

6 juillet au 9 septembre 1998

Galerie d'art de l'Université de Moncton
Édifice Clément-Cormier
Moncton, Nouveau-Brunswick, Canada
[ Liste des oeuvres présentées ]

 

 


TOUS DROITS RÉSERVÉS

 

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DONNÉES DU CATALOQUE AVANT PUBLICATION

Georges Henri Goguen : rétrospective 1960-1998.

Texte en français

Essai par David Lonergan

ISBN 0-919691-75-7

1. Peinture artistique - Expositions. 2. Peinture - Canada - Expositions. I. Lonergan, David. II. Galerie d'art de l'Université de Moncton. III. Université de Moncton, 1998.

Conception graphique : Luc A. Charette, Michelle Anne Duguay

Mise en pages et typographie : Nicole LeBlanc

Photogravure : Maritime Press Ltd., Moncton, N.-B.

Impression : Maritime Press et Imprimerie de l'Université de Moncton

 

Exposition organisée par Luc A. Charette, directeur-conservateur, et tenue à la Galerie d'art de l'Université de Moncton (GAUM) du 6 juillet au 9 septembre 1998.

 

La publication est disponible auprès de :

Galerie d'art de l'Université de Moncton

Édifice Clément-Cormier

Université de Moncton

Moncton, N.-B., Canada, E1A 3E9

Téléphone: (506) 858-4088 Télécopieur: (506) 858-4043

Courriel : charetl@umoncton.ca

http://139.103.17.11/

 

 


AVANT-PROPOS

 

Organiser une rétrospective des oeuvres d'un des pionniers de l'art contemporain en Acadie à la Galerie d'art de l'Université de Moncton (GAUM) n'est serte pas une tâche facile. Les restrictions budgétaires, les espaces d'exposition restreinte à notre disposition, le manque de personnel et de spécialistes, historiens d'art et conservateurs, sont tous des contraintes que nous devons apprendre à surmonter.

Malgré ce nous avons l'immense plaisir de vous offrir cette exposition, regroupant des oeuvres réalisées par l'artiste acadien Georges Henri Goguen, et qui s'échelonne sur une période d'au-delà quarante ans.

Les difficultés que nous éprouvons à mettre sur pied ce genre d'exposition sont étroitement reliées au niveau de professionnalisme que nous aimerions atteindre. Nos obstacles sont toutefois minimes, comparativement aux empêchements auxquels les artistes, de la même génération que Georges Henri Goguen, qui oeuvrent depuis près de cinquante en Acadie, ont eu à faire face.

Le manque d'infrastructures institutionnelles solide, de collectionneurs avertis et de débouchés dans le domaine des arts au Nouveau-Brunswick n'a certainement pas été un milieu propice à l'épanouissement d'un artiste francophone depuis le début des années quarante. Seule la conviction de l'artiste, la persévérance, la satisfaction du travail accompli, le désir de vouloir comprendre et de se surclasser sont responsable du fait qu'une culture visuelle acadienne existe belle et bien aujourd'hui.

La pratique artistique constante de Georges Henri Goguen prend toute son importance lorsqu'on l'examine dans le contexte d'un projet de société.

J'aimerais remercier l'artiste pour sa grande générosité et sa participation à l'élaboration de cette exposition. Merci également à David Lonergan, chroniqueur culturel bien connut dans la région, pour avoir accepté de rencontrer l'artiste et rédiger les notes biographiques qui suivent.

Je m'en voudrais d'omettre de remercier Nicole LeBlanc et Paul Édouard Bourque, mes deux associés depuis près de dix ans à la Galerie d'art de l'Université de Moncton, pour leur fidèle collaboration.

 

 

 


COMMENTAIRES DE L'ARTISTE

 

 

Georges Henri Goguen, juin 1998

 

 


Georges Goguen, éléments biographiques

Par David Lonergan

 

Dans sa lettre du 21 avril 1997 pour soutenir la candidature de Georges Goguen au Prix Strathbutler, Luc A. Charette, directeur de la Galerie d'art de l'Université de Moncton (GAUM) situe l'apport de cet artiste: "Par sa pratique artistique contemporaine, Georges Goguen a été l'un de ceux qui ont été responsables de développer l'aspect de modernité dans la discipline des arts visuels au Nouveau-Brunswick."

1934

Né le 3 avril 1934 à Moncton, Georges Goguen est le cinquième enfant d'Aurèle à Martial Goguen, un peintre d'affiche ("sign painter") pour le Canadien National, et d'Ida LeBlanc. Le couple aura huit enfants, 5 garçons, 3 filles: Yvon, Roger (Ý), Ronald (Ý), Anna, Georges, Jeanette, Ernest, Louise. Le salaire d'Aurèle ne couvre guère plus que les besoins essentiels.

1938

La famille déménage à Cocagne où Georges fait sa 1ère et sa 2e année scolaire.

1942

Avant l'automne, les Goguen déménagent sur la rue Robinson à Moncton. Georges entre en 3e à l'école Académie, dirigée par des religieuses, sur la rue Church. C'est vieux et il a peur: il n'y vit pas une belle expérience. Malgré tout, il y étudie jusqu'à sa 8e.

1946

Il commence à dessiner vers l'âge de 12 - 13 ans, des Superman, Spiderman, des personnages de comics. Son père l'encourage et il lui dit d'essayer de dessiner sans les livres... Il essaye mais il commence à jouer à la balle: il a sa gang, dessiner ça fait pas mal fifi... Il abandonne le dessin, du moins officiellement.

1948

Georges à 14 ans et il se demande ce qu'il exercera comme métier: peintre d'affiche comme son père lui a montré? Mais son père lui dit qu'il n'y a pas d'avenir dans ce métier. La famille n'a pas les moyens de l'envoyer au collège pour la 9e. La seule alternative est le Moncton High School, école publique anglophone: le réseau public français ne dépasse pas la 8e année à l'époque à Moncton. L'expérience est malheureuse et Georges ne réussit pas son année.

1949

La découverte de la peinture à numéro le réconcilie avec le dessin. Durant l'été, il travaille et fait assez d'argent pour rentrer au collège Saint-Joseph de Memramcook comme pensionnaire où il refait sa 9e. Il déteste son année: c'est une prison. Il en retiendra le réveil sur la musique classique que pourtant il hait à l'époque et le basket-ball qu'il découvre et où il excelle, heureux quand il joue.

1950

Il entre en 10e au collège l'Assomption de Moncton comme externe. Pas si pire: il passe son année en jouant au basket-ball. Mais l'année suivante est plus difficile: il n'a aucun intérêt pour le latin et déteste la géométrie. Il abandonne le collège en mars 1952 sur un petit événement, une punition qu'il considère trop injuste. Il ne terminera jamais sa 11e. Il crée ses premières toiles: des bateaux, des paysages à partir d'images existantes puis chemine vers des paysages réels. Puisqu'il n'étudie plus, il doit se trouver un emploi.

1952

À l'automne, il entre chez Eaton comme courrier, homme à tout faire. Il rencontre Fred Kurby, l'illustrateur du bureau de publicité: c'est lui qui dessine les publicités du magasin pour les journaux locaux, l'Évangéline, le Times et le Transcript. Fred peut dessiner n'importe quoi: vêtements, meubles, accessoires. Pour la première fois il réalise qu'on peut gagner sa vie en dessinant. Il va le voir, le regarde travailler: les vêtements sont placés sur un cintre et Fred doit les dessiner comme s'ils étaient portés par une femme. Il reproduit parfaitement tous les appareils électroménagers, tous les outils, il reconstitue des ensembles de meubles. Fred lui suggère de suivre des cours à l'International Correspondance Schools (ICS) de Scranton, Pensylvanie. Le travail de Fred le fascine d'autant qu'il ne se voit pas exercer un métier... Son père lui apprend qu'il a lui aussi suivi un cours chez ICS, celui de "sign painting"... Georges commence à faire des dessins commerciaux. Fred le conseille, lui fait faire des corrections.

1953

Après avoir économisé pendant un an pour se payer le cours, Georges s'inscrit au cours de l'ICS à l'automne 1953 et commence son cours à l'hiver 54. Tout en suivant le cours, il soumet ses dessins publicitaires à Fred. Le cours consiste en 22 cahiers (chaque cahier est une technique: lettrage décoratif, aquarelle, la composition, les êtres humains), que chacun suit à son rythme. Georges trouve difficile d'étudier seul, sans partager avec d'autres mais il est déterminé à faire toute la démarche et la qualité de la relation qu'il vit avec les pédagogues par correspondance l'aide. Ils le relancent, l'encouragent, lui parlent des carrières de ceux qui ont réussi le cours.

1954

À l'époque, les artistes sont inexistants dans l'univers de Georges: les seuls dont il entend parler sont des paysagistes amateurs que son père a rencontrés. Son père peint à main levée au pinceau les plus belles lettres: ses "s" qu'il trace d'un seul mouvement sont beaux et parfaits et à sa façon il se dit artiste... Le jeune homme regarde son père avec qui il vit une relation stimulante, émerveillé, subjugué. Les chevalets l'excitent: être illustrateur, c'est être artiste, ou à tout le moins une partie du travail d'un artiste. Il cherche dans des revues des tableaux, des peintures.

Il s'est installé une table à dessin dans un petit atelier de la maison familiale et, en plus de ses travaux "scolaires", il commence à peindre plus sérieusement des paysages, des natures mortes, des portraits, respectant le mieux possible les règles de la peinture réaliste traditionnelle qu'il découvre au fur et à mesure. Il vise la ressemblance avec le sujet et cherche à créer des surfaces lisses sans apparence de coups de pinceau.

Il devient membre de la Moncton Art Society (MAS), voit des oeuvres dans les grands magazines américains, s'abonne à l'American Artist Magazine et remarque certains artistes comme Miro. Il découvre Cézanne, analyse sa texture, ses coups de pinceau visibles et se demande, sans pouvoir y répondre, pourquoi il est considéré comme un grand peintre.

1955

Dans le cadre d'activités du MAS, il assiste à des conférences données par Ron Irving chez qui il suit quelques cours. De 1955 à 1965, Georges s'implique dans le MAS, assumant à un moment donné la vice-présidence. À chaque printemps, le MAS organise une exposition concours à laquelle il participe: Georges gagnera en tout trois premiers prix (avec "RIP" et "Fishing boats", deux oeuvres de la période de la ligne noire, et, en 1965, avec "Le mur" une oeuvre de la période expressionniste), deux deuxièmes et un troisième. Après 1965, sentant qu'il plafonne et que le MAS ne l'interroge plus, son implication diminue. Il en demeurera membre jusque dans les années 1980.

1956

Durant l'hiver, Georges suit une série de 10 cours de dessin et d'aquarelle donnés en alternance par Alex Colville et Lauren Harris au Moncton High. Mais le trop grand nombre d'élèves l'empêche d'avoir un contact réel avec les deux peintres.

Chez Eaton, Fred Kurby quitte son emploi d'illustrateur publicitaire. Il convainc Georges, toujours courrier, qu'il est en mesure de le remplacer. Après une courte réflexion de 24 heures, Georges accepte de relever le défi et Fred obtient son embauche du directeur d'Eaton. Fred part quatre jours après sa nomination et Georges surmonte sa panique. Au bout de six mois, la routine est installée.

À l'été 56, il suit une semaine intensive de peinture à Mount Allison.

1957

Éprouvant quelques difficultés avec le dessin de mode, Georges obtient un congé sans solde pour faire un stage de perfectionnement de huit semaines durant l'été au Parson's School of design de New-York. Le cours consiste en des visites au Musée de la Mode, des rencontres avec des compagnies de mode et des cours de dessin de modèles vivants, habillées et nues, ce qui est pour Georges une grande première.

Il réside à l'International House de la Columbia University: deux personnes par pays, une cafétéria qui offre ses repas selon le principe des semaines ethniques (chinoise, mexicaine...). Pour la première fois, Georges sort du Sud-Est... à l'exception d'une journée familiale à Saint-Jean.

C'est en visitant les musées new-yorkais qu'il découvre l'art moderne:

Soulages, Picasso dont on présente une exposition importante au Museum of Modern Art, Dali... Il s'achète des livres - dont le classique The Principles of Art de R. G. Collingwood, un ouvrage de 1938 dont il achète la réédition de 1958 -, des revues et apprend de nouveaux mots. Il a le coup de foudre pour les grands masses noires et lumineuses de Pierre Soulages (1919): c'est ça qu'il veut faire! Mais dans son milieu, l'art de Soulages ne correspond à rien et Georges ne sait pas comment arriver à ce genre de démarche artistique.

Il revient de New-York en ayant résolu ses problèmes techniques d'illustrateur de mode.

Il poursuit sa recherche picturale et découvre ce qu'il appelle la ligne noire, tracé géométrique qui atténue le réalisme de l'oeuvre en faisant ressortir les formes fondamentales. Lentement, il cheminera vers l'essentiel de la forme, ses paysages devenant semi-abstraits. Par certains côtés, cette démarche s'appuie sur ce qu'il a vu de la période du cubisme analytique de Picasso et sur une réflexion née de ses lectures à propos de l'opposition qui existe entre un sujet en trois dimensions et sa reproduction sur une surface en deux dimensions. Il questionne et finit par rejeter l'espace pictural conventionnel: toute l'intention de la ligne noire est de réussir à joindre l'arrière-plan avec l'avant-plan.

1958

Le 12 janvier, Georges reçoit son diplôme de ICS, lui qui avait terminé sa formation à l'automne. Sa vie familiale se transforme alors qu'il épouse le 20 septembre Lois Mae Hutchinson (1937), une infirmière et une amie d'enfance qui vit juste en face de chez lui. Dès la naissance du premier enfant, Lois Mae cesse de travailler à l'extérieur du foyer. Le couple aura quatre enfants: Lise (1959), David (1963), Michelle (1965) et Christophe (1968). La vie du jeune père de famille s'écoule paisiblement dans la découverte de son métier d'illustrateur, de l'art et de la vie parentale. Et les prix de la MAS témoignent de son constant progrès.

1962

En 1962, alors qu'il visite la Galerie Owens de l'Université Mount Allison de Sakville, il met la main sur le catalogue d'une exposition qui a eu lieu l'année précédente, Cinq peintres de Regina. Le texte de Richard B. Simmins, directeur du Service des expositions à l'extérieur de la Galerie nationale du Canada, le bouleverse, en particulier le passage suivant: "Un tableau est l'expression d'une expérience d'ordre émotif qui est cristallisée sous une forme plastique significative. La sensibilité et l'intuition dominent. La permanence ne se trouve qu'au sein de l'expérience individuelle. La norme est la personnalité individuelle. Une oeuvre d'art - n'importe quelle oeuvre - ne revêt de l'importance que par rapport à l'individu qui crée et à l'individu qui perçoit. L'art n'a pas beaucoup à voir avec l'intellect. On ne peut le disséquer comme un spécimen biologique, ni en faire une véritable analyse verbale. La parole excessive entraîne avec elle la mort. La logique n'a pas sa place dans le monde de l'art; de fait, l'art est l'antithèse du développement logique, prévisible.

Qu'est le monde? Ma compréhension est le monde et il n'a que peu ou pas d'existence indépendante en dehors de moi-même. Que dire de la permanence encore une fois? Une compréhension en profondeur de la personnalité unique."

Soulages lui revient à la mémoire. La ligne noire bascule dans l'abstrait, Georges s'ouvre à l'expressionnisme abstrait. Il explorera cette approche de différentes façons jusqu'à la moitié des années 1970, cherchant à rejoindre l'essence, la perfection, la pureté de la forme. Toutefois, comme pour se sécuriser, il continuera à produire des tableaux dans la veine de la ligne noire, mais de moins en moins régulièrement, jusqu'en 1971.

1963

Après avoir été conservateur adjoint de la Galerie d'art Beaverbrook à Fredericton, Claude Roussel devient artiste résident dans l'Université de Moncton qui ouvre cette année-là. Responsable du Studio d'art, il décide d'exposer les oeuvres des peintres qui explorent la modernité en Acadie. Il invite Georges à partager avec lui l'exposition inaugurale. Georges décide de présenter ses premières oeuvres expressionnistes qu'il a réalisé sur du masonite. Il construit des cadres avec des languettes de bois pour les rendre plus attrayantes mais commet une erreur: le bois est vert et, dès le lendemain de l'accrochage, le masonite commence à tordre...

1964

Il participe à sa première exposition collective en dehors de celles du MAS. Intitulée Contemporary Religious Art Exhibition, cette exposition est présentée à Charlottetown. Il sera d'une cinquantaine de collectifs entre 1964 et 1998.

1965

En mai 1965, il gagne le premier prix du MAS avec "Le mur". Interviewé dans l'Évangéline, Georges commente: "C'est une toile semi-abstraite et non-figurative. Aujourd'hui la peinture est devenue une expression de la vie émotive, de toutes les expériences de l'âme et de la sensibilité. Les peintures de l'heure actuelle aiment étudier l'espace qui sépare les objets, c'est-à-dire leur relativité dans l'espace plutôt que les objets mêmes et leur composition." Le journaliste continue en précisant: "M Goguen trouve qu'un artiste est mieux de travailler seul et de développer sans influences extérieures sa personnalité artistique." Ces propos ne sont pas sans évoquer la démarche de Soulages: "Son art n'a jamais été précédé d'aucune recherche intellectuelle, [Soulages] s'est toujours laissé porter par l'élan créateur, par l'émotion, par la poésie." (Ferrier, p. 687)

Dans un autre article de l'Évangéline à propos de la même oeuvre, Rita Cyr écrit le 8 mai: "Monsieur Alex Colville, artiste de renommée internationale et juge de l'exposition, a dit que la peinture " Le mur ", en émail et huile de Georges Goguen, faisait preuve d'une structure très forte créée par les couleurs intenses de noir et orange. Cette toile d'une charpente solide et large combinait la clarté et la force et était en même temps de signification subtile, mystérieuse et vague. Cette toile dont on peut déceler la qualité même à une distance est une composition de mystère, de douceur et de force. C'est en quelque sorte une peinture symbolique dont on reconnaît des éléments des peintres surréalistes d'il y a vingt ou trente ans, expliqua M. Colville de Sackville."

À l'automne, Claude Roussel organise une première exposition collective dans la toute nouvelle Galerie d'art de l'Université de Moncton (GAUM) qui réunit Ernest Cormier, soeur Gertrude Godbout, Guy LeBlanc, Edward Léger, Edgar McIntyre, Réal Richard, Roméo Savoie, Claude Roussel et Georges Goguen. Se souvenant de cet événement, Claude Roussel écrit dans le catalogue de l'exposition Sélection 67: "En 1965, la GAUM a présenté pour la première fois un groupe d'oeuvres d'artistes d'expression ou de descendance canadienne-française résident au Nouveau-Brunswick. Il était nécessaire d'organiser cette exposition. Les quelques expositions ouvertes aux artistes des Maritimes n'étaient pas suffisantes et seulement quelques-uns de nos artistes y exposaient de temps en temps. Il fallait donc grouper nos artistes pour évaluer la situation des arts visuels chez nous et pour juger si, après trois siècles d'histoire, on pouvait enfin parler d'un art acadien."

Dans l'Évangéline du 6 mars 1965, on peut lire: "La première exposition d'un ensemble d'artistes de la région qui ont dépassé le stage de simple amateurisme ou le stage de copiage, pour enfin se trouver et se développer un style particulier, un style personnel. " C'est un événement historique ", de dire M. Morisset le représentant de la Galerie nationale du Canada]. Commentant les peintures, il a affirmé qu'il était extrêmement rare de voir un groupe de débutants présenter un ensemble d'oeuvres où il y a un pourcentage aussi élevé d'excellence." Évidemment, le regard de Morisset est nettement paternaliste et plusieurs de ces "amateurs" avaient fait des arts leur objet d'étude.

1966

Georges découvre l'essayiste d'art Clement Greenberg dont il lit avidement Art and Culture dans la réédition de 1965 de cet essai de 1961, qu'il achète vers 1966 à la librairie de l'Université. Un passage le frappe en particulier: "The easel picture subordinates decorative to dramatic effect. It cuts the illusion of a box-like cavity into the wall behind it, and within this, as a unity, it organizes three-dimensional semblances. To the extent that the artist flattens out the cavity for the sake of decorative patterning and organizes its content in terms of flatness and frontality, the essence of the easel picture - which is not the same thing as its quality - is on the way to being compromised." (p. 154)

Un peu plus tard, s'inspirant de Greenberg, il formulera sa démarche picturale: "Mes tableaux sont l'expression d'expériences émotives transformées sous des formes graphiques spécifiques. Prendre conscience d'une telle expérience - la diriger, la désorienter, la décomposer, la favoriser - est le but de mon tableau. Les formes, les techniques, les couleurs sont des choses vivantes - des porteurs d'émotion - jamais statiques, toujours en mutation graduelle."

1967

Au printemps, il est l'un des peintres présentés dans le pavillon de l'Atlantique de Terre des hommes, l'exposition universelle de Montréal, avec sept tableaux qui s'inscrivent dans sa démarche expressionniste abstraite.

Continuant son travail d'animateur, Claude Roussel organise à la GAUM dont il est le directeur Sélection 67, l'exposition que l'on identifiera par la suite comme fondatrice de la modernité acadienne qui réunit soeur Eulalie Boudreau, Herménégilde Chiasson, soeur Gertrude Godbout, soeur Hilda Lavoie, Edward Léger, Claude Picard, Roméo Savoie, Claude Roussel et Georges Goguen.

Dans le catalogue de l'exposition, Claude Roussel écrit: "Sauf quelques exceptions, nos artistes ont rarement été choisis pour participer aux expositions d'envergure nationale. Depuis quelques années, pour la première fois de notre histoire, nos artistes ont travaillé à développer leur oeuvres dans un esprit original et contemporain. Nous espérons que cette exposition éveillera de l'enthousiasme et une fierté nouvelle pour nos artistes. Cette exposition regroupe neuf artistes qui exposent chacun six de leurs oeuvres. En général, la vitalité créatrice qui semble se dessiner chez nos artistes laisse entrevoir, pour les années à venir, le développement d'un art aussi dynamique et d'avant-garde qu'en aucune autre région du Canada." Opinion que partage le conservateur de l'exposition Ghislain Clermont qui écrit: "L'Université de Moncton, dès sa fondation, a témoigné d'un précédent heureux en instituant un Département des Beaux-Arts et une Galerie d'art. C'est la première fois que les administrateurs canadiens-français du Nouveau-Brunswick s'intéressent aux arts visuels. Et parce que les artistes canadiens-français du Nouveau-Brunswick pratiquent maintenant un art dynamique, intriguant, dans la veine moderne, on ne peut s'attendre de leur part qu'à un rayonnement d'envergure nationale." Grâce à une bourse de voyage du Conseil des arts du Canada, il effectue un stage de deux semaines à l'atelier des artistes d'Emma Lake, Saskatchewan, où il travaille principalement avec le peintre new-yorkais Frank Stella (1936) qui a été influencé par l'expressionnisme abstrait avant d'être un des pionniers de l'Op'Art et de s'intéresser "plus particulièrement à la juxtaposition d'aplats de couleur pure qui animent la surface de la toile" (Ferrier, p. 622) et d'inventer le "shaped canvas". Interviewé dans le Transcript du 2 décembre 1967, il raconte ce qu'il y a vécu: " "I was tremendously excited by what I saw at Emma Lake ", he says, " and I was very anxious to try some of this work myself ". But, since then, his enthusiasm has cooled somewhat and he now feels traditional abstract forms still hold more interest for him. Georges's most profitable art form financially has been semi-abstract paintings. He sold some 200 works during that period in the development of his style, but now finds semi-abstracts virtually impossible to do." Dans cet article au titre évocateur de "Full-Time Abstract Art Is Dream", Georges rappelle son séjour à New-York et la naissance de son impossible rêve: "After visits to a number of New-York art galleries he decided painting was what he really wanted to do, rather than commercial art. But he is quick to admit that the gap between desire and achievement in the art world can be frighteningly wide."

1970

En septembre, il quitte son emploi d'illustrateur chez Eaton et entre à la télévision de Radio-Canada à Moncton que la Société d'état est alors en train de développer. L'équipe a le sentiment de vivre une grande aventure: pour la première fois l'Acadie a un accès réel, quotidien sur les ondes télévisuelles. Il fonde le département d'arts graphiques dont il assumera la responsabilité jusqu'à sa retraite en 1995. Il conçoit les décors, les éléments graphiques, les affiches pour les émissions et les publicités.

1973

Comme les murs de la salle d'accueil de Radio-Canada sont vides et que la salle manque de cachet, Georges soumet le projet de se servir des murs pour présenter des oeuvres d'artistes de l'Atlantique ce que la direction accepte: la mini-galerie de Radio-Canada commence sa programmation avec un solo de ses oeuvres bientôt suivi de celles de Pavel Skalnik. La galerie dont il assumera la responsabilité jusqu'à sa retraite présentera une exposition par mois.

1975

À la Mini-galerie, Georges présente une exposition d'aquarelles réalistes, presque hyperréalistes et empreintes de touches un peu surréalistes, comme une parenthèse dans sa production régulière toujours empreinte de l'expressionnisme abstrait. Si l'exposition est un succès populaire, les oeuvres trouvant toutes preneurs, l'accueil critique que l'on retrouve dans les remarques écrites dans le cahier de commentaires est plutôt négatif, plusieurs soulignant qu'il s'agit d'une régression. Blessé par cet accueil, Georges met fin à sa démarche réaliste et retourne vers l'abstrait. Mais dans la même exposition, certaines oeuvres jouent avec l'ombrage, celui présent dans l'oeuvre et celui de l'éclairage ce qui n'est pas sans évoquer les tableaux blancs de Robert Rauschenberg sur lesquels seule l'ombre du regardeur apparaissait: Georges s'intéresse maintenant aux effets optiques.

1975

Il commence sa collaboration avec le Holland College School of Visual Arts de Charlottetown dans l'élaboration de programmes, collaboration qui durera jusqu'en 1983. Par la suite il donnera des ateliers intensifs d'été jusqu'au début des années 90.

1976

Pour sa première grande exposition solo à la GAUM, il présente les premiers résultats d'une nouvelle approche de la picturalité, ce qu'il appelle "l'après image" et qu'il définit comme suit dans le dépliant qui accompagne l'exposition: "L'espace qui m'intéresse n'est pas l'espace situé à l'intérieur du tableau, mais celui qui existe entre la surface du tableau et le spectateur. Cet espace est exprimé par le détachement des couleurs complémentaires qui rôdent entre l'oeil et l'oeuvre, par le moyen d'après-image."

Les toiles présentent des points d'une couleur sur un fond blanc. Quand on fixe l'oeuvre et qu'on détache légèrement ses yeux de la couleur vers le blanc, il se crée un effet optique et l'on semble voir un autre rond dans la couleur complémentaire. Cette démarche s'inscrit comme une réaction contre l'espace pictural traditionnel à la recherche de "l'espace publique", cet espace qui sépare le regardeur de l'oeuvre et où semble exister les ronds nés de l'effet optique. Là encore, on retrouve Frank Stella qui dans l'exposition de 1968 au Museum of Modern Art de New-York explorait avec d'autres "l'art du réel": "Le responsable de l'exposition E. E. Goosen, éminent critique d'art américain, s'explique: "Au spectateur on ne donne pas des symboles mais des faits. Ce qui, autrefois, était dissimulé dans le domaine de l'art - les moyens techniques employés par l'artiste - est maintenant ouvertement montré." En somme, il ne s'agit plus, pour les artistes se réclamant de cette tendance, de faire des oeuvres "semblables au réel", mais de produire des objets aussi "réels que le réel lui-même". D'où l'importance accordée au matériau, au support, aux qualités techniques de la peinture employée, aux formes géométriques simples." (Ferrier, p. 652)

1978

Il est élu responsable du Nouveau-Brunswick du Front des artistes canadiens, responsabilité qu'il assumera jusqu'en 1982.

1979

Il est un des fondateurs de la Galerie Sans Nom (GSN) qui s'installe dans la vieille école de l'Académie sur la rue Church. Du 22 octobre au 9 novembre 1979, il présente pour la première fois ses "journaux intimes" à la Galerie de la salle Papineau de Radio-Canada à Montréal. Dans le texte de présentation, il écrit: "Les éléments visuels qu'on retrouve dans mes oeuvres découlent uniquement d'une certaine juxtaposition d'événements qui ont eu lieu dans ma vie de tous les jours; par exemple: une nouvelle dans les médias qui attire mon attention, des activités avec ma famille ou avec des amis; des personnes que je rencontre quotidiennement. L'inspiration peut aussi venir de l'ébauche d'une forme qui me semble intéressante et surtout de l'éternel défi d'une solution au problème formel. Mes oeuvres ne veulent pas raconter d'histoires ni être des messages politiques et encore mois avoir des teintes de propagande. Elles sont uniquement mon journal personnel et visuel des deux dernières années."

Cette démarche accentue sa recherche de la surface plane en construisant son tableau à partir d'éléments non coordonnés qui oriente cette nouvelle réaction contre la composition classique. En 1980, il présente cette recherche à la GSN.

1981

Il continue la recherche esthétique de l'après-image dans une exposition solo à la GAUM comme le souligne le conservateur Marc Pitre dans le dépliant cartonné de l'exposition: "Cette exposition de Georges Goguen nous révèle sa recherche de l'après-image dans la peinture. Georges avait déjà amorcé l'expérience en 1976. Cette fois-ci, il traite l'après-image d'une façon plus simplifiée. Son choix de la toile blanche facilite le détachement de l'après-image, concept qu'il définit comme un phénomène optique qui se produit après qu'on ait longuement fixé une couleur.

L'artiste a voulu s'éloigner de la peinture traditionnelle, qu'il qualifie de simulation architecturale dont la profondeur ne se dirige que vers le fond de la toile. À l'aide de ses tableaux, il provoque plutôt un mouvement qui se dirige vers le spectateur." Pour Georges, le regardeur vit ainsi une expérience optique en fixant l'oeuvre qu'il décrit dans le même dépliant: "Mon intérêt n'est plus de mettre en évidence une illusion à trois dimensions sur une surface plane.

Mais toujours avec une surface plane: la toile, en deux dimensions et à l'aide de couleurs pures se forment des configurations qui produisent un phénomène optique, c'est-à-dire l'effet que j'appellerais l'après-image. La sortie de cet effet engendre un nouvel espace fascinant qui existe à l'extérieur du tableau et qui peut être ludique et non-pictural. Et dans ce nouvel espace, l'oeil aperçoit une surface blanche, un certain détachement se fait et il projette durant le trajet une ou plusieurs couleurs qui évoquent dans son déplacement des visions poétiques, des apparitions chimériques, des ombres fluides en quelque sorte, qui existent entre l'oeuvre et le spectateur."

1983

Professeur invité au Département d'arts visuels de l'Université de Moncton, il donne des cours de dessin et d'arts graphiques. Il enseignera occasionnellement durant les années scolaires 1983-84, 1984-85 et 1986-87.

1984

Poursuivant sa recherche sur l'art et l'optique, il présente à la Mini galerie puis à la galerie du Holland College, sa première exposition de ses oeuvres chromatiques qu'il présente ainsi: "De passage, coulant, optiquement toujours mouillé et coule sur le plancher de la galerie. La surface de la toile affirme simplement le scénario et ne retient pas les éléments à l'intérieur de sa périphérie." Dans le Transcript, il explique sa démarche: "In each, the color seems optically to flow from the panels to the floor. Movement always is from left to right and top to bottom flow. In a studio in his converted garage near his Hedgewood Drive home, Mr Goguen works on the floor, on his knees, circling around each panel painting. "I have the canvas wet, very wet, and use sponge instead of brushes. That way, I have control of the colors. But the trick is to wet the canvas evenly," he explains. "I do one color and let it dry for a couple of days and then put clear plastic over it, so the next color doesn't splash on areas already painted."

Les couleurs sont saturées, infiltrées dans la toile de telle façon que toile et couleur deviennent l'unité. La couleur se positionne sur la toile sans que l'artiste n'ait une volonté de composer un tableau. Les couleurs donnent l'illusion de s'écouler à l'extérieur de la périphérie, rejoignant cet espace publique qui sépare et unit le regardeur et l'oeuvre.

1986

Il est membre du comité qui élabore le contenu des unités des cours d'arts graphiques du futur Collège communautaire de Dieppe.

Dans son exposition d'octobre à la GAUM, il continue sa recherche des chromatiques. Il écrit: "Mes tableaux chromatiques sont des choses en elles-mêmes, plutôt que des peintures de quelque chose. Ces tableaux sont des voiles de couleur sans commencement, sans fin, qui coulent très souvent d'en haut à gauche vers le bas à droite de la surface. Optiquement, ces voiles bougent, se déplacent; ils ne sont jamais statiques. Mouillés, ils coulent et dépassent la périphérie de la toile pour exister dans notre environnement."

1987

La Banque d'oeuvres d'art de la Province du Nouveau-Brunswick acquiert une des oeuvres de la série des journaux intimes. Par la suite, la Banque achètera d'autres oeuvres de Georges dont l'une des chromatiques qui exposera à la galerie de l'Église de Barachois en 1989.

1990

À l'automne, il présente à la GAUM, dans une exposition qu'il partage avec André Lapointe, un ensemble d'oeuvres dans lesquelles des objets sont intégrés à la toile. Georges s'inspire du Pop'Art et de ce que les Américains appellent le "combine painting" dont les oeuvres étaient au départ constitués de l'assemblage d'objets hétéroclites. Dans l'Acadie nouvelle du 9 novembre 1990, il s'explique: "L'espace pictural ambiguë entre la forme optique et la matière, souvent bi-dimensionnel fixé sur une surface plane, m'a toujours fasciné. Avec les années, les méthodes, comme coller, attacher, épingler, clouer, etc. ont souvent pris une importance majeure dans mes oeuvres."

Dans l'Acadie nouvelle du 30 novembre 90, le professeur d'histoire de l'art Ghislain Clermont publie ses commentaires sur cette double exposition: "Georges Goguen, lui, a toujours été intéressé à des formes colorées qui s'obstinent à demeurer tout en surface. Les plans flottent, l'un à côté de l'autre plutôt que l'un en avant de l'autre. Du moins, c'est ce que le peintre recherche. Le spectateur, lui, est invité à participer à un jeu. En se déplaçant, ou en déplaçant son regard, il découvre certains effets optiques. Il voit une ambiguïté dans ces plans que se touchent et il ne sait pas toujours s'ils se superposent, s'ils se répondent ou s'ils s'annulent les uns les autres. Depuis toujours, Goguen essaie d'intégrer dans ses tableaux des matériaux les plus diversifiés: toile, jute, tissus, carton, etc. Il veut maintenant coller, attacher, coudre, épingler, clouer, brocher. Comme Lapointe, Goguen force quelque peu les techniques au bénéfice d'effets souvent inattendus. Ce qui lui permet de pousser plus loin ce jeu des oppositions pour produire des tableaux où il y a un jeu entre la surface et ce qui se passe tout autant en avant qu'en arrière de cette surface. Goguen est un coloriste, mais un coloriste modéré. En résultent des peintures où une tonalité domine, une tonalité qui personnalise en quelque sorte chacune des oeuvres et qui génère une réaction émotive appropriée. D'où un résultat, chez lui aussi, tout en douceur."

1991

À l'occasion de La mer à voir, l'exposition collective présentée par la GAUM qui accompagne le colloque international sur La mer dans les littératures d'expression française du XXe siècle qui a lieu à l'Université de Moncton, Georges commente le rôle que doit jouer la galerie universitaire dans l'Acadie nouvelle du 22 août: "Trop souvent, à tort ou à raison, les artistes visuels sont perçus comme étant uniquement des producteurs d'éléments décoratifs dans notre société acadienne. La recherche, puisqu'elle existe bel et bien dans le domaine des arts visuels, peut s'apparenter et contribuer à juste titre à d'autres démarches intellectuelles entreprises par les membres de la communauté universitaire. La GAUM n'est pas uniquement un salon pour la tenue de réceptions. Elle se veut d'abord et avant tout être un laboratoire visuel qui traite d'une question fondamentale: qui sommes-nous?" Les actes du colloque seront publiés un an plus tard par les Éditions d'Acadie et la pochette offrira une reproduction d'une des oeuvres de Georges.

1994

Dans l'exposition Rétrospective: Les arts visuels en Acadie présentée à Bouctouche août dans le cadre du Congrès mondial acadien, Georges présente une série d'oeuvres créées par ordinateur et qu'il intitule "Regard sur les artistes acadiens". Il en fait une seconde série qu'il présentera à la Mini-galerie en 1995.

Ces oeuvres sur ordinateur sont comme un entre-deux dans la démarche artistique de Georges et elle s'inscrive plus comme une continuation de son travail de graphiste à Radio-Canada. En effet, l'infographie est maintenant devenue la norme pour la production de fonds à la télévision et Georges, toujours responsable du département d'arts graphiques, à diriger l'implantation de cette nouvelle technologie. Il ne poursuivra pas cette démarche après sa retraite de 1995, tout simplement parce qu'il n'a plus accès à un ordinateur.

1995

Il prend sa retraite de Radio-Canada. En hommage à son action au sein de la société d'état, la direction donne à la Mini-galerie le nom de Galerie Georges Goguen.

En septembre, il participe à l'exposition collective qui souligne l'ouverture de la Galerie 12 dont il est un des membres fondateurs. Cette galerie dont le local est dans le Centre culturel Aberdeen de Moncton réunit sur une base commerciale douze des artistes acadiens parmi les plus importants du Sud-Est.

1996

À l'occasion de sa première exposition solo à la Galerie 12, Georges présente pour la première fois ses totems et ses peintures hiéroglyphiques.

Cette démarche s'inscrit dans une des tendances nées du Pop'Art, celle de l'Art minimal dans lequel "les matériaux ne subissent pas de transformation et sont exploités pour leurs qualités propres. Les formes, les volumes sont simples, géométriques." (Collectif, p. 31).

Dans le texte de présentation de l'exposition qu'il présente à la Galerie Moncton à l'hiver 1998, Georges explique cette nouvelle démarche: "Depuis ma jeunesse, j'ai toujours été fasciné par les pictogrammes, les symboles et les hiéroglyphes. Notre environnement est constamment entouré de logos et multiples formes. Mes trouvailles de boîtes et divers contenants de produits, créés par l'industrie, pour une société consommatrice, deviennent matières pour mes oeuvres. Ces boîtes aplaties, ouvertes et réduites à deux dimensions et fixées sur une surface plate, me fascinent comme départ de mes tableaux. Ils deviennent les signes, les hiéroglyphes d'aujourd'hui." Ces oeuvres sont d'une simple complexité: la boîte, une fois ouverte, offre une forme étrange, évocatrice qui dépasse sa fonction première. En les collant sur un support, en y intégrant d'autres objets industriels, en donnant une nouvelle unité à ce collage par le jeu de la peinture, Georges crée d'amusants personnages porteurs de la fin du millénaire: l'imaginaire peut s'appuyer sur la technique, sur la production industrielle et la détourner de son but originel.

À l'occasion de l'exposition qu'il présente à la Galerie 12 en février 1997, le chroniqueur artistique de l'Acadie nouvelle écrit dans l'édition du 25 de ce mois: "En présentant ses oeuvres, le peintre Georges Goguen explique fort sérieusement comment il a transformé de vieilles boites en de jeunes tableaux. Ses yeux pétillent et, manifestement, il a autant de plaisir à nous conter ce qu'il fait qu'il a eu à le faire. Et, quand on regarde les oeuvres qu'il expose en ce moment à la Galerie 12 du Centre culturel Aberdeen de Moncton, on ne peut s'empêcher de sourire à notre tour.

Les assemblages collages de Goguen sont porteurs d'une joie de vivre et d'une imagerie fantaisiste en quelque part enfantine. Non pas que ses oeuvres soient naïves mais plutôt qu'il a réussi à préserver dans son travail créateur l'enfant qui est en lui. Il a en quelque sorte transformé une activité de bricolage en oeuvre d'art.

Au départ, il y a des boites de carton ouvertes, découpées, transformées en formes amusantes, inquiétantes, interrogeantes. Puis, il y a la base sur laquelle il colle ses formes, créant d'autres formes, laissant apparaître des hiéroglyphes, des personnages robots, des yeux, des bouches, des n'importe quoi qui attirent notre oeil. Enfin, il y a la couleur, la priorisation des éléments et l'apparition d'un récit, d'une histoire. On peut alors, comme un enfant, se raconter des histoires en s'inspirant, si on le veut, des titres qu'il donne : "Une pauvre pêche", "Prières à l'aube" ou encore "les Deux Acolytes". Les couleurs sont tantôt vives, tantôt effacées, les formes émergent ou tendent à se fondre dans une atmosphère un peu brumeuse. Et, si l'on compare la production actuelle avec les oeuvres précédentes, on constate que Goguen épure ses formes, tamise ses couleurs, comme s'il cherchait à affiner son propos."

1998

Pour son exposition d'été, la GAUM présente une rétrospective de l'ensemble de la production picturale de Georges, soulignant ainsi le rôle fondamentale qu'il a joué dans le développement de l'art actuel en Acadie.

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Références

Collectif, Groupes, mouvements, tendances de l'art contemporain depuis 1945, Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts, 1989. Ferrier, directeur, L'aventure de l'art au XXe siècle, Paris, Éditions du Chêne/Hachette, 1988.

David Lonergan, juin 1998

 

 


BIOGRAPHIE RÉSUMÉE

 

Georges-Henri Goguen a vu le jour à Moncton au Nouveau-Brunswick en 1934. Il commença à peindre à l'âge de 15 ans et entreprit un cours par correspondance offert par l'International Correspondence Schools pour recevoir en 1955, un certificat en Art Commercial. Question de se perfectionner, il suivit des cours du soir (1955) avec Ron Irving, Lauren Harris et Alex Colville, et des cours d'été (1956) à la Mount Allison University avec Jack Humphrey et Jack Nichols. En 1957, il fit un stage au Parson's School of Design à New York. Il fut boursier du Conseil des Arts du Canada (1967) ce qui lui permit de suivre un stage avec Frank Stella à Emma Lake en Saskatchewan.

 

Entre 1957 et 1970, il fut à l'emploi de la maison Eaton de Moncton, comme dessinateur publicitaire. À partir de 1970 et jusqu'à sa retraite en 1995, il fut graphiste à la Société Radio-Canada situé à Moncton. Entre 1983 et 1985, ainsi qu'en 1986-1987, il fut chargé de cours en arts graphiques au département d'arts visuels de l'Université de Moncton. De plus, il fut conservateur et organisateur de plusieurs expositions, donna des conférences et des lectures à l'Université de Moncton, ainsi que des ateliers au Holland College (Charlettetown) et au YMCA.

Goguen est le directeur-fondateur de la Mini-Galerie de Radio-Canada. En 1975, ne trouvant pas les murs de la salle d'attente de la Société Radio-Canada invitants, il demande la permission d'accrocher quelques unes de ses peintures, permission qui lui fut accordée pour un mois. Suite aux commentaires positifs qu'il reçut de la part du public, il décide alors d'inviter d'autres artistes à venir y exposer. Grâce à son idée de génie, il y a maintenant une exposition tous les mois d'un artiste venant de l'Île-du-Prince-Édouard, du Nouveau-Brunswick ou de la Nouvelle-Écosse et la Mini-Galerie, qui a une excellente réputation, joue, depuis ce temps, un rôle important sur la scène artistique des Maritimes. Pour souligner l'apport capital de Georges Goguen, la galerie porte maintenant son nom.

Très impliqué dans le développement d'infrastructures culturelles dans la région de Moncton, sa contribution au domaine des arts ne s'arrête pas à cette seule galerie. En effet, Goguen fut également membre-fondateur de la Galerie Sans Nom (Moncton) et de la Galerie 12 (Moncton), représentant provincial des Artistes Canadiens (1978-1982) et membre de la Maritime Art Association.

Depuis sa première exposition, en 1964, il a participé à près de 60 expositions dont 16 fois en solo. Ses peintures ont été exposées en plusieurs endroits dans les provinces maritimes et au Québec, dont au Pavillon des provinces de l'Atlantique à l'Expo 1967 (Montréal), au Musée du Nouveau-Brunswick (Saint-Jean), à la Galerie d'art Beaverbrook (Fredericton) ainsi qu'au Holland College School of Visual Arts (Charlottetown). On retrouve de ses oeuvres dans plusieurs collections publiques telles que celles de la Banque d'oeuvres d'art du Nouveau-Brunswick et de la Compagnie Mutuelle d'Assurance-Vie (Moncton), ainsi que dans des collections privées au Canada, en Europe et aux États-Unis.

La candidature de Georges-Henri Goguen a été proposée en 1997 pour l'obtention du Prix Strathbutler afin de souligner sa production artistique et sa contribution au domaine des arts visuels et graphiques au Nouveau-Brunswick. Par ailleurs, en plus de gagner plusieurs mentions lors d'expositions, il fut à deux reprises boursier du Conseil des Arts du Canada (1967, 1983) et boursier du Comité d'échange d'artistes (1975). Bien qu'il soit à la retraite, Goguen poursuit toujours sa carrière artistique.

 

 


LISTE DES OEUVRES PRÉSENTÉES

 

 

 


CURRICULUM VITAE

 

Formation

1955

Certificat d'art commercial de la International Correspondance School (I.C.S.)

Cours par Ron Irving, Lauren Harris et Alex Colville.

1956

Cours à Mount Allison University par Jack Humphrey et Jack Nichols.

1957

Parson's School of Design, New York.

1967

Emma Lake, Saskatchewan - cours avec Frank Stella (Boursier du Conseil des Arts du Canada).

 

Emplois

1957-1970

Dessinateur publicitaire (art commercial)

1970-1995

Graphiste, Société Radio-Canada, Moncton

 

Expérience

Instructeur d'atelier sur l'art contemporain, Y.M.C.A.

Conférencier - Université de Moncton

1978-1983

Ateliers - Holland College

1983-1985

Chargé de cours en arts graphiques, Département d'arts visuels, Université de Moncton

1985-1988

Ateliers - Holland College, IPE

1986-1987

Chargé de cours en arts graphiques, Département d'arts visuels, Université de Moncton

Élaboration du contenu des unités (Design), Ministère de l'enseignement supérieur et de la formation, Province du Nouveau-Brunswick.

 

Bourses

1967

Conseil des Arts du Canada

1975

Comité d'échange d'artistes

1983

Conseil des Arts du Canada - Bourse de déplacement

 

Implication communautaire au niveau des arts

Organisation du Département d'arts graphiques de Radio-Canada, à Moncton NB

Fondateur et directeur de la Mini-Galerie de Radio-Canada, à Moncton NB (Galerie Georges Goguen)

Membre du comité fondateur de la Galerie Sans Nom, à Moncton NB

Représentant provincial des Artistes Canadiens (1978-1982)

Membre de la " Maritime Art Association "

Membre du Comité fondateur de la Galerie 12, Moncton NB

Formation du groupe musical " Jazz-in " (Jazz Meisters)

 

Expositions solo

1975

Mini-Galerie de Radio-Canada, Moncton

1977

Galerie d'art de l'Université de Moncton

1979

Radio-Canada, Montréal (Salle Papineau)

1980

Galerie Sans Nom, Moncton

1981

Galerie d'art de l'Université de Moncton

1982

Galerie Colline, Edmundston, NB

Galerie Rothman's, Moncton

1984

Mini-Galerie de Radio-Canada, Moncton

Holland College School of Visual Arts, Charlottetown, IPE

1986

Galerie d'art de l'Université de Moncton

1987

Église historique de Barachois, NB

1988

25 ans d'Arts visuels en Acadie (Professeurs)

1995

Galerie Georges-Goguen, SRC-CBC, Moncton, NB

1996

Galerie 12, Moncton, NB

T.I.R.U., Moncton, NB

1997

Galerie 12, Moncton, NB

1998

Galerie Moncton, Hôtel de Ville de Moncton, NB

40 ans de production en Acadie - Galerie d'art de l'Université de Moncton

 

Expositions de groupe

1964

Contemporary Religious Art Exhibition, Charlottetown, IPE

Saint John Open, Saint John, NB

1965

Sélection '65 - Galerie d'art de l'Université de Moncton

1966

Zwicker's Art Gallery, Halifax, NE

Maritime Art Association Travelling Exhibition

1967

Galerie d'art de l'Université de Moncton

Pavillon des Provinces de l'Atlantique (Expo '67)

1968

Bathurst

1969

Campbellton

1970

Hadassah Art Show, Saint John, NB

1971

Morrison Art Gallery, Saint John, NB

1972

Collège Saint-Louis, Edmundston, NB

Morrison Art Gallery, Saint John, NB

1973

Phoenix Art Gallery, Charlottetown, IPE

Morrison Art Gallery, Saint John, NB

1974

The Sixth Hadassah Art Show, Saint John, NB

1978

8 Artistes Acadiens - Galerie d'art de l'Université de Moncton

1980

Hôtel de Ville de Dieppe, NB

1982

CAR/FAC Moncton - Mini-Show

Moncton Art Society - Christmas Show

1983

3 Man Show, Windbrush Gallery, Saint John, NB

CAR/FAC Moncton - Mini-Show

Lorenzo Society (Green) Saint John, NB

1984

CAR/FAC Moncton - Mini-Show

CAR/FAC Moncton - Spring Show

1985

Bi-Buy, U.N.B., Fredericton, NB

1986

Moncton Collects

Musée du Madawaska, Edmundston, NB

1987

Galerie d'art de l'Université de Moncton

Acquisitions '87 - Galerie d'art de l'Université de Moncton

1989

Église historique de Barachois, NB

1990

Two Man Show/Two Man Show - Galerie d'art de l'Université de Moncton

A Tribute to Moncton, U.N.B., Fredericton, NB

1991

La mer à boire, Galerie d'art de l'Université de Moncton

1992

Impact, Creaghan's, Moncton, NB

1994

Arts visuels en Acadie, Galerie d'art de l'Université de Moncton

À notre image, Galerie d'art de l'Université de Moncton

1996

Tintamarre, Galerie d'art de l'Université de Moncton

Cri de Terre, Centre culturel Aberdeen, Moncton, NB

Théâtre Capitol, Moncton (organisateur)

 

Collections

Galerie d'art de l'Université de Moncton

Banque d'oeuvres d'art de la Province du Nouveau-Brunswick, Fredericton, NB

Compagnie Mutuelle d'Assurance-Vie, Moncton

Collections privées au Canada, aux États-Unis et en Europe

 


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