C'est cette question qu'on se pose, qu'on peut poser à son prochain après lecture de ce recueil. Daniel Dugas nous propose sa vision du monde. Une lecture plutôt eschatologique de l'univers. Un environnement où les voitures de politiciens ressemblent à des corbillards, où l'apocalypse vous attend au tournant en dansant sur des rythmes psychédéliques, où les routes ne mènent nulle part. C'est un monde de chrome où chaque histoire est un flash dans une histoire longtemps grise. Ce recueil propose également une lecture philosophique des éléments, des faits qui composent le quotidien à l'aide d'une grille d'analyse onirique teintée d'esprit critique, d'ironie et de cynisme. Il est composé de poèmes assez courts, mais, en guise de prologue et d'épilogue, débute et se conclut à l'aide de deux longs poèmes qui, d'une part, donne ton au recueil, |
et d'autre
part mène sur une autre piste. Il est constitué de quatre parties, chacune
amorcée par une énumération et/ou une citation qui annonce le segment qui s'en
vient. La lecture n'en est que plus facile et agréable.
Il est justement agréable d'être témoin de cette lecture du monde. Une lecture qui semble dure, où la tragique destinée de l'être humain est scrutée dans tous ses détails avec une teinte paradoxalement humoristique qui laisse le lecteur sur un entre-deux, dans un esprit, une sensation de flottement, voire même d'oubli des sens. Voilà la qualité de cette écriture. Une écriture où on peut très bien se perdre dans la forêt Irving et ne jamais y retrouver ni le nord ni le sud. Un monde où les gestes sont décrits de façon dissécative, comme sur des images de bobines |
cinématographiques. Le ciel y est un gribouillis fait tard la nuit dans
un restaurant tranquille, les bungalows sont des igloos en carton ondulé, Dieu
s'écrit avec un petit -d-, la télévision est un récif dans l'imaginaire, et on
est mêlé à toutes les époques.
En somme, un recueil alléchant, d'une poésie colorée à la lecture étourdissante. Pas assez long pour s'ennuyer, car de qualité quand même inégale, La Limite élastique est un livre rafraîchissant et bien structuré. À l'image de la poésie acadienne contemporaine et de celle de son précédent recueil, Le Bruit des choses, la poésie de D. Dugas se veut fraîche et originale, plus tournée sur la réflexion, tant personnelle que sociale, en oubliant la question nationale. À conseiller. Daniel Dugas La Limite élastique Perce-Neige, 1998, 85 p. $9,95
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